La ‘Honne’ et la ‘Tatemae’ : Ces Deux Masques qui Façonnent la Société Japonaise

japoanis double jeu masque

Le Japon, c’est le pays du service impeccable. D’un côté, tu as le sourire du vendeur au konbini, la politesse du chauffeur de taxi qui s’incline, l’efficacité des employés qui travaillent sans relâche. C’est ce qu’on voit de l’extérieur, un monde de règles, d’harmonie et de respect. Mais qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ?

Pour comprendre, il faut s’intéresser à un concept qui est au cœur des interactions sociales japonaises : le « honne » (本音) et la « tatemae » (建前). C’est un peu comme une pièce de monnaie à deux faces. La tatemae, c’est la façade, ce que l’on montre en public : les opinions, les gestes et les mots qui sont socialement acceptables. Le honne, c’est la réalité, la vraie opinion, les sentiments profonds et les désirs que l’on garde pour soi. C’est un système complexe, parfois déroutant pour nous, mais qui a une raison d’être essentielle dans le pays.

Tatemae : L’Armure Sociale

La tatemae est l’incarnation de la philosophie du groupe qui prime sur l’individu. L’harmonie, ou « wa » (和), est une valeur fondamentale au Japon. Pour maintenir cette harmonie, on évite la confrontation, on préserve l’équilibre et on ne met jamais les autres dans une position inconfortable. C’est pour ça que tu n’entendras jamais un « non » direct. Au lieu de ça, tu auras un « c’est difficile » (難しいですね) ou un « j’y réfléchirai » (考えます).

La tatemae, c’est le code de conduite non écrit. Au bureau, ça veut dire ne pas exprimer ouvertement son désaccord avec son supérieur, même si on pense qu’il a tort. Dans la vie de tous les jours, c’est le sourire que l’on garde même quand on est de mauvaise humeur, pour ne pas affecter l’ambiance. C’est la politesse excessive, les courbettes et le respect qui est dû à l’autre. C’est une sorte de performance sociale constante qui protège les relations et évite les conflits.

Honne : La Vérité Cachée

Le honne, c’est le « vrai moi ». C’est ce que l’on pense et ressent vraiment, loin des convenances sociales. Ce n’est pas quelque chose de négatif, c’est juste la réalité. Le problème, c’est que l’exprimer ouvertement peut créer des vagues. Alors on le garde pour soi, ou on ne le partage qu’avec un cercle très restreint de personnes : la famille proche ou les amis les plus intimes.

Parfois, le honne peut s’échapper. Un soir, après quelques bières avec des collègues, on peut se permettre de critiquer un peu le chef, de se plaindre de la charge de travail. C’est ce qu’on appelle les « nomikai » (soirées alcoolisées avec le travail). C’est un espace « safe » où les masques tombent un peu, et où le honne peut s’exprimer sans conséquence. On y fait la fête, on lâche la pression, et le lendemain, on remet les masques.

Les Conséquences d’un Double Visage

Ce système a des avantages et des inconvénients. Côté pile, ça rend la société japonaise incroyablement polie, respectueuse et harmonieuse. Les relations sont fluides, les conflits ouverts sont rares, et l’ordre social est maintenu. C’est une force qui a permis au Japon de se reconstruire et de prospérer.

Côté face, ce double visage peut être épuisant. Vivre en permanence dans le non-dit, ne pas pouvoir exprimer ses vraies émotions, peut créer un stress énorme. Pour les étrangers, ça peut être super dur de comprendre. On a l’impression que les gens sont impénétrables, qu’on ne saura jamais ce qu’ils pensent vraiment. C’est aussi pour ça que le suicide est un problème de santé publique au Japon, car la pression de la société et la difficulté d’exprimer ses souffrances peuvent mener à une isolation profonde.

C’est un peu le paradoxe du Japon. Un pays où les gens sont incroyablement gentils, mais où le manque d’expression émotionnelle est une norme. Un pays où on s’excuse pour tout, mais où on n’admet jamais vraiment qu’on a tort. C’est un équilibre délicat, un jeu de miroirs qui est au cœur de l’identité japonaise. Comprendre le honne et la tatemae, c’est une des clés pour percer un peu le mystère de ce pays fascinant.


Le honne et la tatemae ne sont pas des concepts faciles à saisir pour nous, qui sommes habitués à l’expression directe. Mais c’est une facette essentielle pour comprendre les interactions sociales et la psychologie des Japonais. Cela soulève une question : et si nous aussi, nous avions nos propres masques sociaux, mais que nous refusions de l’admettre ?

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